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"Le Plaisir d'Allaiter"
"Le Plaisir d'Allaiter"
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14 juillet 2006

Allaitement & caries

Allaiter Aujourd'hui n°54 - Le point sur...

Nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle rubrique qui, nous l’espérons, sera ensuite régulière. Il s’agit de faire « le point sur » des sujets divers, autour bien sûr de l’allaitement et du maternage. Sujets qui ne justifient pas cinq pages de dossier et vingt de témoignages, mais nécessitent néanmoins plus qu’une simple colonne de « brève ».

Pour l’inaugurer, nous allons faire « le point » sur caries et allaitement. Nous avions déjà abordé le sujet dans AA n° 28, mais il est bon d’y revenir, car c’est régulièrement que des mères de bambins allaités se font dire par le dentiste que si leur enfant a des caries, c’est parce qu’elles les allaitent encore, et notamment la nuit. Certains vont jusqu’à refuser de soigner l’enfant tant que la mère ne l’a pas sevré, au moins des tétées nocturnes. ..

En fait, si l’on étudie la littérature sur le sujet, on s’aperçoit que les seules études montrant un lien éventuel entre allaitement et caries sont de simples études de cas, portant uniquement sur un ou deux enfants. Aucune étude épidémiologique n’a jamais retrouvé ce lien. Au contraire, plusieurs études (Oulis 1999, Torney 1992, Weerheijm 1998) ont exonéré l’allaitement de toute responsabilité.
En fait, la plupart des dentistes extrapolent à l’allaitement le « syndrome du biberon » où des enfants qui pendant de longues heures, voire parfois toute la nuit, tètent des biberons de lait ou de boissons sucrées, développent des caries au point de se retrouver vers 3 ou 4 ans complètement édentés.
C’est méconnaître complètement les différences entre l’allaitement et le biberon.

Pourquoi l’allaitement n’est pas cariogène

Tout d’abord, le lait maternel n’abaisse pas de façon significative le pH à l’intérieur de la bouche, contrairement à presque tous les laits industriels. Or la bactérie qu’on estime la principale responsable des caries, le Streptocoque mutans (S. mutans), se développe particulièrement bien à un pH bas.
En second lieu, la plupart des laits industriels sont sujets à la prolifération bactérienne, contrairement au lait de femme qui renferme des facteurs anti-bactériens. On sait par exemple que le S. mutans est très sensible à l’action bactéricide de la lactoferrine, un des composants majeurs du lait maternel (Palmer 2000).
Troisièmement, on a observé que les laits industriels dissolvent l’émail des dents, contrairement au lait de femme qui dépose du calcium et du phosphore dans l’émail (reminéralisation).
La mécanique même de l’allaitement fait qu’il est très improbable que du lait maternel stagne longtemps dans la bouche du bébé, contrairement à ce qui se passe avec le biberon et qui explique la « carie du biberon ». Un mouvement de succion du sein est suivi d’une déglutition, le bébé doit avaler avant de continuer. Au biberon au contraire, du liquide peut couler dans la bouche du bébé même s’il ne tète pas activement ; s’il ne l’avale pas, ce liquide peut rester à l’avant de la bouche et baigner les dents.
Enfin, la sécheresse de la bouche est l’un des facteurs pouvant augmenter l’incidence des caries précoces. La salive est produite en moindre quantité la nuit, surtout chez les personnes qui respirent par la bouche. Or un bambin qui tète encore la nuit continue à produire de la salive, ce qui peut aider à combattre cette sécheresse.

  Le pourquoi des caries

Il n’en reste pas moins qu’on voit régulièrement des bambins allaités avec des caries. Si l’allaitement n’est pas en cause (on pourrait dire qu’ils ont des caries non pas parce qu’ils sont allaités, mais en dépit du fait qu’ils sont allaités), comment cela s’explique-t-il ?
Et bien, par les causes qu’on retrouve chez tous les enfants, allaités ou pas : défauts de l’émail, héréditaires ou congénitaux (dus à quelque chose qui s’est passé pendant la grossesse : fièvre, maladie, stress, prise de médicaments, mauvaise alimentation) ; naissance prématurée ; fièvres chez l’enfant ; mauvaise hygiène buccale ; abus d’aliments et de boissons sucrés (sans oublier le sucre contenu dans nombre de médicaments pédiatriques) ; infection par le S. mutans.
Certains estiment que la responsabilité de cette bactérie est en cause dans 90 % des caries précoces. Elle est le plus souvent transmise de la mère à l’enfant par la salive, au cours de leurs contacts fréquents et intimes (bisous, partage des couverts et ustensiles de cuisine…). Ce qui explique sans doute les résultats de cette étude (Serwint 1993) qui avait trouvé une forte corrélation entre l’apparition de caries chez le bambin et la présence de nombreuses caries chez la mère.
Préventivement, certains conseillent que la mère, dès la fin de la grossesse, fasse des bains de bouche quotidiens avec une solution au fluor ou à la chlorhexidine. Mais cela est controversé et doit être discuté avec le dentiste. On peut aussi prévenir la contamination de l’enfant par le S. mutans en évitant le plus possible tout ce qui aboutit à un échange de salive (partage de couverts ou de brosses à dents, etc.), et en faisant en sorte de ne pas abaisser le pH de la bouche (ne pas introduire de lait industriel par exemple).

Si les caries sont là, il faut bien sûr les faire traiter (ne pas se dire : ce ne sont que des dents de lait, ce n’est pas important) par un dentiste habitué à soigner les petits. Et peut-être faire des tests salivaires afin d’évaluer le « risque carieux ». Des traitements spécifiques du S. mutans (bains de bouche anti-bactériens, vernis anti-bactériens, on parle même d’un vaccin à l’étude) pourront alors se révéler utiles (Reagan 2002).

Oulis, C. et al, Feeding practices of Greek children with and without nursing caries, PediatrDent 1999 ; 21(7) : 409-416.
Palmer B, Breastfeeding and infant caries, ABM News and Views 2000 Dec ; 6 (4) : 27-31.
Reagan L, Big bad cavities, breastfeeding is not the cause, Mothering 2002 Jul-Aug : 113.
Serwint JL et al, Child-rearing practices and nursing caries, Pediatrics, 8/93, 92 : 233-37.
Torney, H., Prolonged On-Demand Breastfeeding and Dental Caries – An Investigation, thèse, Dublin, 1992
Weerheijm KL, Prolonged demand breastfeeding and nursing caries, Caries 1998, 32 (1) : 46-50.

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